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PSYCHOLOGIE POUR LES NULS

25 avril 2014

Cela fait plus de cinquante ans que je vis avec

Cela fait plus de cinquante ans que je vis avec mon mari, et au fil des ans, le lien s'est modifié, mais aussi solidifié, avec comme ciment essentiel un subtil mélange d'affection profonde, de solidarité, et, comme un fil conducteur, la capacité de rire ensemble. Nous avons tous deux dû assumer les renoncements à ce que l'autre ne pouvait pas partager, les voies qu'il ne voulait pas suivre, et trouver comment continuer la route tout de même. Au début, je croyais qu'on allait tout vivre ensemble, partager chaque heure, chaque loisir, chaque lecture.... Mais il aurait fallu pour cela par exemple que je me résolve à aimer le foot, auquel je ne comprends toujours rien, et que mon mari dépasse sa phobie de la neige. Tous deux en avons fait le deuil, car autrement nous étions engagés dans un processus absurde de renoncement, je ne faisais plus de ski et il n'allait plus aux match... Chacun avait fait le sacrifice sur l'autel de la communauté de ce qu'il aimait tout de même en secret et dans une frustration croissante.

 

Et puis tout cet assemblage hypocrite a volé en éclats le jour où innocemment un voisin a proposé d'emmener mon mari à un match le dimanche où nous devions, ensemble, tapisser une chambre d'enfants. Prise de court, je n'ai rien pu dire, j'ai lessivé en sanglotant, toute seule, les murs, et ai fait une chute dans l'escalier. Dans le stade le haut-parleur a tonitrué "on demande Mr G à la billetterie", le mari confus m'a amenée aux Urgences, j'en suis ressortie avec un pied plâtré.... et la lente prise de conscience que peut-être j'avais quelque responsabilité dans cette chute qui avait ramené mon conjoint dans le nid douillet et traître de la symbiose.

 

Alors progressivement nous nous sommes autorisés à avoir chacun ses activités, ses goûts, ses rythmes. Et le petit territoire de nos choix identiques s'est enrichi de ce que chacun nous aimions sans l'autre, et que nous pouvions partager ensuite, ou ne  pas partager si l'envie en manquait. Nos enfants ont aussi pris l'habitude de dire clairement leurs envies, de refuser de venir nous voir s'ils avaient prévu autre chose, ce qui fait de leur acceptation un vrai OUI comme leur refus est un vrai NON. Ils nous disent ce qu'ils ont envie de nous dire,et gardent précieusement leur jardin secret, gage de leur liberté de penser, de faire et de ressentir. Autrement dit de choisir dans toutes leurs ressources et leurs acquis ce qu'ils pensent être bon et utile à ce moment-là.

 

Cela ne va pas sans quelques pincements au coeur, parfois, et il est essentiel de veiller à ce que cela ne se transforme pas en rancune. Aimer au quotidien, c'est cela, être attentif à ce que la relation soit fluide, et que chacun y trouve sa place et surtout l'amour nécessaire à sa survie psychologique. Mais comment apprend-on à aimer ? Freud disait que l'essentiel pour un homme était de pouvoir se réaliser en aimant et en travaillant. Bien sûr, à la naissance, l'enfant manifeste le besoin vital d'être aimé, mais trop souvent on ne voit pas qu'il a tout autant besoin d'offrir son amour et le voir accepté. Et en grandissant, le besoin d'aimer s'approfondit, et voir son amour repoussé est une souffrance intense, plus grande peut-être que de ne pas se sentir aimé.  L'offrande de l'amour inconditionnel se voit dès le premier regard d'un bébé, et il en propose sans cesse, que ce soit à son entourage ou à de parfaits inconnus qui rencontrent son regard. Peut-etre "aimer au quotidien" peut être pris dans ce sens premier, dans cette offre spontanée, tout alentour, d'un amour gratuit, sans obligation, sans chaînes.

 

Ensuite l'enfant va apprendre comment on aime dans ce milieu-là, et comment il va avoir le droit d'aimer et de demander de l'amour. Ce concept de soif de reconnaissance que Berne plaçait au centre de ses réflexions depuis le début, et qui parcourt toute sa théorie des Jeux et du scénario, ce concept était neuf voire révolutionnaire en psychologie. Et l'on voit s'installer au cours de la croissance les blindages et les verrous qui vont rendre difficile la satisfaction de cette soif fondamentale. Il n'est donc pas étonnant que, puisque les couples qui se forment à l'âge adulte doivent s'ajuster au scénario de chacun sur ce registre, "aimer au quotidien" devient source de Jeux, de blessures, de fermetures, et parfois de ruptures définitives. Et se réveillent les douloureuses expériences de l'enfance, et il est difficile, voire impossible, de donner et de recevoir de l'amour. 

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  • tout ce qui concerne l'être humain, sa vie, ses intérêts, ses difficultés, ses sentiments, ses réalisations..... sa vie, quoi ! mais plus précisément encore , la manière dont il a constitué sa personnalité et comment il l'exprime au quotidien
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